RECHERCHE

▪ Biographie

C’est le 20 octobre 1834, à Beaune-la-Rolande, que naît Julie Ernestine Peynaud, fille de Marie Eulalie Chevreul et de Pierre Peynaud, huissier. Si nous n’avons pas d’informations sur sa jeunesse, une chose est sûre : son destin bascule lorsque devenue une ravissante jeune femme de 25 ans, elle croise le chemin de Louis Désiré Mahieu alors maire de Saint-Maur (1853-1870). Celui-ci, approchant la soixantaine, a eu une vie bien remplie : il a commencé sa carrière au sein de l’armée comme garde du génie, et travaillé à ce titre aux fortifications de Paris. Après avoir quitté l’armée, il achète l’ex-Petit Parc du château de Saint-Maur qu’il exploite en carrière de pierre à bâtir dès 1845. Il finira par être propriétaire de plus de 836 000 m² sur la commune. Il rachète également une fonderie à Maisons-Alfort sur 10 000 m². Possédant donc carrière de sable et de pierre à Saint-Maur et fonderie, Louis Mahieu va pouvoir montrer son sens des affaires lors des travaux qu’Haussmann entreprend à Paris. Sa fortune devient colossale mais cette réussite cache une peine secrète : de son mariage célébré en 1828 avec Marie Florimont, il n’a pas d’enfant et donc personne à qui transmettre ce patrimoine.

La rencontre avec Julie Peynaud change la situation. Devenue sa maîtresse, la jeune femme lui donne quatre enfants : Louise Ernestine Emilie en 1861, interdite à sa majorité pour « état habituel d’imbécillité depuis sa naissance », Louis Marie Maurice en 1863, qui sera placé à l’Institut des Jeunes Aveugles, Jeanne Julie Désirée en 1866 et Désiré René en 1847. Entre-temps, après avoir installée sa maîtresse au 10 boulevard Malesherbes, qui lui appartient, puis lui avoir offert un hôtel particulier au 14 rue Daru à Paris, Louis Mahieu acquiert pour la jeune femme en 1868 le château de Romaine à Lésigny ainsi que la ferme de la Bourbonderie qui s’étend sur les communes de Lésigny, Férolles-Attilly et Ozoir-la-Ferrière. Véritable châtelaine, Julie Peynaud a à son service valet de pied, valet de chambre, maître d’hôtel, deux femmes de chambre, une cuisinière, une aide-cuisinière, concierge, cocher et un palefrenier. Devenu veuf le 9 novembre 1877, Louis Mahieu épouse dés le 1er mars 1878 Julie Peynaud. Sur l’acte de mariage, l’époux est domicilié à Saint-Maur car il habite un appartement de 140 m² au 2e étage de l’immeuble qu’il a construit au 20 rue du Four, à l’angle avec l’avenue de Marinville. Deux ans plus tard, il décède à son tour : on peut voir la tombe où il repose avec ses deux filles dans le cimetière Rabelais.

Déjà châtelaine, il ne manque plus qu’un titre pour couronner l’extraordinaire ascension sociale de Julie Peynaud Mahieu. Le 23 novembre 1881, elle se remarie à la mairie du 8e arrondissement avec le prince Romolo Annibale Cesare Sigismondo Ruspoli, son cadet de seize ans. Celui-ci descendait d’une des plus anciennes familles princières d’Italie, originaire de Florence et portant le titre de prince du Saint-Empire. Galtier écrira : « elle se laissa éblouir par les belles manières d’un prince italien, descendant d’une vieille famille romaine, mais qui n’avait ni fortune, ni titre ». On peut se demander si le jeune homme n’a pas une réputation sulfureuse car nous savons qu’Ernest Peynaud, frère de Julie, s’oppose à ce mariage… Julie Ruspoli ne profite pas longtemps de son titre de princesse, elle décède trois ans plus tard, dans son château de Romaine, le 9 août 1884, peu avant son cinquantième anniversaire. La précipitation avec laquelle le corps est mis en bière, vu son état, fait courir le bruit que la princesse Ruspoli est morte empoisonné : bien des personnes soupçonnent son mari, mais aucune enquête n’est menée. Ses funérailles ont lieu à Saint-Philippe-du-Roule, mais le plus surprenant c’est qu’on ignore le lieu de sépulture de cette femme immensément riche. À son décès, elle laisse un actif de 6 324 000 F réparti entre son mari qui touche 3 millions plus une rente annuelle de 50 000 F et ses enfants qui touchent chacun 830 000 F. Le comble, c’est qu’insatisfait par ces dispositions testamentaires, le prince Ruspoli tente de faire appliquer la loi française mais sa femme étant devenue italienne par son mariage, on applique la loi italienne et le testament est confirmé. Devenu riche, le prince Ruspoli se lance en politique : il est élu député en Italie le 16 juin 1900, fonction qu’il occupera jusqu’à sa mort qui survient en 1912 au château de Romaine à Lésigny. Il est inhumé au cimetière Rabelais où on peut voir sa chapelle funéraire dans laquelle sera déposée en 1932 la dépouille du fils aîné de Julie Peynaud et de Louis Mahieu, décédé en 1924.

La mémoire de cette princesse éphémère est conservée par une impasse, la villa Ruspoli, ouverte avant 1914 entre l’avenue Mahieu et l’avenue de Tunis.

Thierry DESLOT

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▪ Bibliographie