RECHERCHE

▪ Biographies

C’est en 1917 que René Commeinhes, muni de son seul certificat d’études mais passionné de mécanique automobile, gravement blessé en 1914 et privé de l’usage d’une jambe, installe son premier atelier de réparation au 21 rue Carnot à Saint-Maur. Après l’armistice, il rachète des châssis de camions militaires qu’il équipe de carrosseries d’autocars, dont son épouse et sa belle-mère décorent les intérieurs. Ses véhicules connaissent un vif succès lors des mariages et l’entreprise se développe rapidement : de 1925 à 1930, il achète des terrains voisins, construit de nouveaux ateliers et fait travailler des centaines d’ouvriers d’Adamville et de La Pie. Il fabrique également les premiers véhicules pour les pompiers et se lance dans la carrosserie publicitaire : il crée par exemple le camion-tonneau de la marque Byrrh. Il subsiste quelques rares exemplaires de ses créations qui étaient présentées avec un pianiste à bord, ce qui était tout à fait nouveau !

En 1934, René invente un appareil respiratoire isolant et autonome à deux bouteilles destiné aux sapeurs-pompiers, l’A.R.I. ou RC 35 : il le fait breveter en septembre 1935, ouvrant la voie à de nouvelles orientations, que retardent les importantes grèves de mai-juin 1936 – à laquelle participe un apprenti sellier d’à peine 16 ans, André Devriendt (1920-2014), qui deviendra un activiste anarchiste des plus remuants –. Adopté aussitôt par les pompiers, qui l’utiliseront jusque dans les années 1960, cet appareil l’est aussi par l’armée de terre et la marine, l’imminence de la guerre faisant craindre des attaques au gaz. Le président de la République Albert Lebrun se’en fait expliquer le fonctionnement. C’est désormais dans le domaine des appareils de protection que l’entreprise poursuivra son développement.

À 26 ans, son fils Georges Commeinhes, réputé intrépide et casse-cou, passionné de chasse sous-marine, a l’idée d’adapter à la plongée l’appareil inventé par son père. Il le teste dans la piscine de la rue de Pontoise à Paris, où s’entraîne le premier club de plongée au monde, fondé deux ans plus tôt par Le Prieur. Baptisé RC 35 Amphibie, présenté à l’Exposition internationale de 1937 (« l’aquarium humain ») et au ministre de la Guerre, l’appareil est agréé en juin 1937. Georges est mobilisé en 1939 dans le régiment de blindés commandé par De Gaulle, qui stoppe la progression des Allemands dans l’Aisne. Très amer après la défaite, il revient à Saint-Maur et se consacre à l’amélioration de son scaphandre autonome qu’il fait breveter en avril 1942 sous le nom de GC 42. Le 30 juillet 1943, sans prévenir ses proches, il établit un record de plongée à 53 m de profondeur près de Marseille, sous les yeux d’observateurs des marines française et allemande. La concurrence est féroce : son record sera battu quatre mois plus tard par Dumas avec un scaphandre Cousteau-Gagnan, qui rencontrera le succès que l’on sait.

L’année précédente, il a installé une nouvelle usine de fabrication au 137 boulevard de Créteil et dépose de nouveaux brevets en septembre 1942 et février 1944 (un détendeur pour réguler la pression), qui ne lui seront délivrés qu’en 1951 et 1952, bien après sa mort. Car entretemps, alors qu’il met au point un système pour absorber les gaz carboniques et une ‘bouée’ de sauvetage gonflable pour les équipages de sous-marins, Georges se précipite au-devant de la Division Leclerc, la 2e DB, qui approche de Paris en août 1944. Il reçoit le commandement du char Austerlitz. Il est tué dans son char alors qu’il est en vue de la flèche de Strasbourg le 23 novembre 1944. Il sera cité à l’ordre de la Division. Il est inhumé au cimetière Rabelais, dans le Carré du Souvenir Français.

C’est René qui va commercialiser l’invention de son fils encore améliorée, le GC 42 pour l’eau douce et le GC 47 pour l’eau de mer, avec une, deux ou trois bouteilles. Il y aura encore les GC 45, 56, 58 et 60. La police fluviale, la préfecture de police de Paris, les pompiers, EDF et la Sogetram s’en équipent. L’entreprise se concentrera après 1960 sur les équipements de sauvetage et les appareils respiratoires pour les brigades du feu. René s’éteint à 79 ans en 1967, laissant une entreprise prospère avec des filiales dans différents pays. L’entreprise cesse son activité saint-maurienne en 1983, et les grands hangars caractéristiques situés de part et d’autre de l’avenue Gambetta ont laissé place à des immeubles d’habitation. Entre 1917 et 1983, les Établissements Commeinhes auront assuré l’emploi de plus de 5 000 salariés. — Les appareils respiratoires Commeinhes ont continué à être fabriqués par le groupe Bacou-Dalloz, devenu en 2010 l’Honeywell Safety Sperian Protection à Villepinte, l’un des leaders des équipements de protection.

On peut voir un scaphandre GC 42 au Musée du scaphandre à L’Espalion (Aveyron) et un appareil respiratoire Commeinhes au Musée Frédéric Dumas à Sannary-sur-Mer (Var).

Pierre GILLON

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▪ Bibliographie

  • M. Arlès, L. Lanier, Saint-Maur-des-Fossés. II. Adamville-La Pie à la Belle Époque, La Varenne Saint-Hilaire, 1988, p. 87-89 ;
  • D. David, « A modest pioneer : the life and death of Georges Commeinhes », Newletters from the Historical Diving Society United, 1995, p. 7-9 ;
  • D. David et Ph. Rousseau, « Georges Commeinhes, un pionnier très discret », Subaqua, n° 159, 1998 ;
  • J.-P. Joncheray, P. Martin-Razi, Un siècle de plongée sous-marine, Paris, 1999 ;
  • Ph. Cousteau, « Georges Commeinhes, a very discreet pioneer », Historical Diver, 13-3, n° 44, septembre 2004, p. 20-33 ;
  • https://le-scaphandrier.blog4ever.com/georges-commeinhes-et-son-scaphandre-autonome ;
  • J.-C. Opresco, « Les premiers équipements de plongée utilisés par les sapeurs pompiers » (http://museedumas.fr/pages/jc_opresco/) ;
  • renseignements fournis par J.-C. Mion (VGA St Maur) et Juliette Tilquin (Musée F. Dumas), avril 2018.